INTERROGATOIRE AU MINISTERE DE LA MAGIE

Bonjour, je suis journaliste pour la gazette du sorcier, et je vais vous poser une série de question. Vous allez devoir être honnête car il va falloir y répondre comme si vous étiez sous l’emprise de veritaserum, alors s’il vous plait, jouez le jeu et c’est parti pour cette interview !

Quelle est la place de tes amis, de ta famille dans cette guerre, les fais-tu passer avant ton combat, ou bien après ? Quelles relations entretiens-tu avec eux ?
« Rien n'est foncièrement tout blanc ou tout noir. En dehors de ma soeur, s'entend. Je crois que le monde ne se porterait pas forcément mieux si la pureté du sang était effective. Ma famille porte cette valeur si haut qu'elle en devient malsaine. Que ferions-nous sans nés-moldus ? La magie s'éteindrait sans doute. L'histoire prouve que le mélange est souvent nécessaire pour assurer pérennité. Ainsi hiérarchisation est nécessaire mais éradication n'a pas de sens. Je vogue dans une fragile neutralité. Si mon sang est pur, que j'en suis fière, que le bonheur de mon père m'importe, je me refuse toutefois à m'engager pleinement dans un combat que je pourrais regretter. J'ai besoin de temps pour choisir, quitte à leur faire entendre mon opinion avec toute l'acidité dont je suis capable. Sang-mêlés et purs ont leurs arguments, leurs opinions. Je respecte. Et mon aide ne va pas toujours à l'élite, malgré ce que je laisse paraître. »

Votre camp, comment l’avez-vous choisi ? Par conviction, par pression, ou bien c’est parce que vous n’en avez strictement rien à faire des autres ?
« C'est à moi que vous posez cette question ? Mon nom n'est-il pas assez clair ? Faut-il donc que je vous rappelle d'où je viens, quelle est ma lignée ? Je n'ai pas le luxe du choix. Sympathiser avec les Mangemorts fait partie intégrante de mon ADN. Nulle autre valeur n'ose rôder au sein des Redwyne, quand bien même je me refuse à un engagement plein, total. J'aide mais je ne signe aucun pacte définitif. Je suis une obligée du Lord, c'est ainsi. Suivre les préceptes pour ne jeter aucune honte officielle, supplémentaire, c'est ce que l'on attend de moi. Le fait que j'offre mes services à d'autres, en revanche, ne regarde que moi. Pourquoi ? Je tiens un commerce. Je ne peux pas me limiter à la seule clientèle adhérant aux idéaux étriqués des miens. Voilà donc une excuse que nul ne peut réfuter, n'est-ce pas ? La vente exige une habileté au dialogue. Ce que pense ma mère m'est égal. Travail et famille sont deux notions que je mets un point d'honneur à séparer, à mon plus grand plaisir. »

Ça a beau être la guerre, et quel que soit le camp dans lequel on se trouve on rêve tous d’un monde meilleur. Si vous devriez vivre d’espoir, comment aimeriez vous que soit votre vie dans dix ans ?
« Dans dix ans ? Je rêve de voyages. Dans l'idéal, j'aurai cumuler assez de savoirs, de souvenirs. La connaissance est le pouvoir. Elle offre d'infinis possibilités. Si je pouvais exporter mes créations, vivre entre l'Angleterre et la France, bouger sans cesse, je serai heureuse. Je ne compte pas sur une famille parfaite. Je serai sûrement mariée à un homme que je n'aimerai pas, en revanche rien ne m'empêchera de cherche la découverte, la nouveauté. D'explorer des aspects rares ou insoupçonnés de la magie. De les essayer. Ou mieux, d'inventer. J'adore inventer, modifier des bases pour trouver des effets uniques, m'amuser à combiner diverses choses. Je vous l'accorde, ça n'a rien d'une ambition aussi exceptionnelle que celle que l'on pourrait attendre mais c'est la mienne. Est-ce un crime ? »

La guerre, le sang, les morts c'est bien beau mais qu'en est-il de l'amour? ton combat a-t-il eu raison de ton coeur ou continue-t-il à battre? si c'est le cas, pour qui et pourquoi?
« Le coeur est une chose qui ne fait pas foncièrement partie de moi. J'en ai pour les causes perdues, les amis ou la famille, mais l'amour, ça n'est pas ce en quoi je crois. Il est une flamme qui jaillit pour s'éteindre aussitôt. Mieux vaut une relation cordiale, choisie et consentie qu'une passion éphémère qui ne sera que trop vite muée en haine. Mes parents pensent que je suis une idéaliste qui refuse le mariage pour cause d'attente du prince charmant. Il n'en est rien. J'attends simplement l'homme dont la vision du monde sera assez proche de ce que je cherche pour être sûre que le lien fonctionne sur la durée. Un mariage raisonnable, pragmatique et réaliste, en somme. Je ne veux pas être vendue, je veux choisir. »

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ARCHIVES DE DEPARTEMENT HISTORIQUE

« Père… ? » L’apocalypse s’était abattue sur votre famille. Un adultère impur qui avait causé la haine de ta soeur, la rage de ta mère, envers cet homme qui aurait dû avoir le dernier mot sur la gestion de sa lignée. Le dernier mot sur le comportement à avoir. N’était-ce pas cela qui définissait les hommes ? « Puis-je emprunter l’un de tes livres d’histoire ? » Ton comportement restait immuable, comme si l’annonce de cet évènement te glissait dessus, à l’instar de la pluie sur une cape imperméabilisée. Nulle colère ou rancoeur dans tes yeux bleus innocents. Enfant de l’ombre, tu n’avais jamais osé rivaliser avec ton aînée, la dominante, la princesse. Plus douce, plus humble et toujours plus compréhensive, tu devenais insignifiante dés lors que son aura apparaissait dans une pièce, que son charisme éblouissait. Ariadne portait divinement bien son nom. Toi aussi, peut-être. Les Erinyes étaient justice implacable mais surtout déesses infernales. Vous étiez l’ombre et la lumière, deux faces d’une pièce qui semblaient ne jamais s’accorder. « Cela va-t-il aller ? » Le soin que tu prenais à t’exprimer face à ton géniteur ne datait pas d’hier. Ton premier mot fut d’ailleurs « papa » et non « maman ». Tu savais pertinemment que ça n’irait pas, que ça n’irait plus jamais. Une telle situation était impardonnable. Avoir une petite soeur impure ne paraissait pas te bouleverser, pourtant. Cela secouait tout le monde, toute ta parfaite lignée. Sauf toi. Immuable petite douceur, sucrerie des temps obscurs. Ta bouche rosée souriait avec douceur et tes grands yeux cherchaient les livres comme d’autres gamins chercheraient des jouets. Un jour tu seras fier songeais-tu souvent, en observant sa silhouette se découper dans l’une des pièces de votre demeure. Tu voulais exister par-delà ce que tu étais censée représenter. Déjà tu espérais pouvoir te défaire de l’emprise, de l’oppression d’Ariadne.

« 26,6 centimètres, bois de chêne rouge, crin de sombral. » Tu penches la tête sur le côté, refermant la main droite autour de la baguette. La réaction est immédiate. Ca n’est jamais que la quatrième que le vendeur te propose. Elle est belle, avec sa teinte pourpre, son aspect lisse, son pommeau élégamment orné. Une parfaite baguette pour une Redwyne. « On dit que les possesseurs de baguette en chêne rouge ont un esprit vif et inventif. Celle-ci vous réservera sans nul doute des surprises, miss Redwyne. » Tu l’aimes déjà. Tu te promets d’en prendre soin. Le chemin de Traverse, la magie, tout cet univers t’est familier mais tu le découvres d’un autre oeil, en faisant désormais réellement partie. Tu as ce qui fait une sorcière. Et tu t’apprêtes à faire ton entrée dans le célèbre école de sorcellerie. Avec angoisse. Une angoisse qui te suivra jusqu’à ce que l’on pose sur ta tête le Choixpeau, celui qui tient bien des destins au sein du tissu vieilli qui le constitue. « Oh, intéressant. Complexe. » Et tu n’aimes déjà pas avoir quelque chose d’intéressant aux yeux de cette répartition qui te noue l’estomac. Tu ne veux pas aller à Serdaigle. Tout mais pas la maison de Rowena. Tout mais pas croiser l’éclat d’Ariadne chaque jour dans la salle commune, n’être encore que son ombre, que la créature servant de soeur. Tu veux être toi, être quelqu’un sans avoir à t’écraser devant sa beauté, devant sa perfection. « Pas Serdaigle ? Etonnant. Tu as l’intelligence, la créativité. Je vois une grande curiosité, une envie d’apprendre. » Tu t’obstines silencieusement. Ton regard bleu se promène sur les diverses tables représentant les élèves déjà répartis. « En es-tu certaine ? Oui ? Mh.. » Il semble réfléchir, fouiller au plus profond de ton âme. « Contradictoire. Je vois également de l’ambition. Tu veux réussir, tu veux te faire une place. Finesse, ingéniosité. Oui.. ce sera donc.. Serpentard ! » L’étonnement se lit dans la clarté de tes yeux. Tu aurais compris que l’on te case chez les Poufsouffle, que l’on te pose dans une maison plus neutre. Serpentard n’a pas l’air de te ressembler. Pourtant jamais l’objet ne se trompe. Il ne le reconnaîtrait de toutes façons pas le moins du monde. Les vert et argents pouvaient te mener sur le chemin de l’affirmation, de l’accomplissement, de l’épanouissement même.

« Toi, à Serpentard ? » Le rire te laisse froide. Tu les fixeras toujours avec un air aussi méprisant que supérieur lorsque ces fauteurs de troubles viendront te voir, régulièrement, te faire remarquer que le Choixpeau a perdu la raison. Ton silence ne les persuadent pas. Ton silence les fait douter de ta digne place au sein de la maison de Salazar. Toi tu sais que le vent tourne, que le serpent mord sans crier gare. Tu n’es pas ce cliché d’ambition crevarde qui écrase avec violence ceux qui se mettent en travers de ta route. Tu préfères à cela la finesse d’une pique bien placée. Les mots sont tes armes acérées, dont tu uses avec adresse et parcimonie. Ceux qui ne méritent pas ton attention n’ont droit qu’à l’indifférence. Elle est pire que toute colère car on ne peut reprocher ou rétorquer face au néant. Plongée dans tes livres, tu te passionnes pour les magies oubliées, pour les pratiques anciennes et les sortilèges. Tu as du talent, c’est certain. Des doigts de fée. C’est vers seize ans que tu t’es mis en tête d’ensorceler un bijou. Une bague à la pierre d’un bleu éclatant. Tu n’y es évidemment pas parvenue du premier coup et une année de recherches fut nécessaire à l’accomplissement de ta volonté. Il fallait modifier quelque peu les formules, essayer de détourner les obstacles. Cela t’amusait. Tu t’occupais l’esprit de la sorte. Ta baguette se plaisait à ces tentatives inventives. Tu voulais te faire connaître pour une aptitude que ta soeur n’aurait pas, pour quelque chose venant uniquement de toi. L’objet fut ainsi doté de faibles propriétés curatives, sans grande vertu toutefois. Assez pour apaiser. Contourner les règles était parfois nécessaire pour arriver à tes fins. Tu n’étais pas assez stupide pour te faire pincer, ceci dit. Et contre toute attente, le 30 octobre, la bague fut enveloppée et envoyée à Margaery. Elle ne méritait pas la haine pour les erreurs de votre père, bien que tu ne l’aurais en aucun cas avoué à Ariadne, celle dont la jalousie aurait asséché les sept plaies d’Egypte elles-mêmes.

« La guerre implique des sacrifices, Megaera. » Tu penches la tête. Tu viens de quitter Poudlard, ASPICS en poche et tout ce que l’on trouve à te dire, c’est que tu dois t’enrôler au coeur de cette haine que tu méprises, que tu exècre ? Ta mère n’est pas de ces femmes à négocier. Elle affirme haut et fort ce qu’elle veut pour ses filles. Ariadne est sa perfection, son produit d’éducation, sa souche marketing pour les Redwyne. Tu n’es qu’une ombre, encore, toujours. Tu dois signer pour ces actes de cruauté simplement parce que tu portes ce nom. Au fond, ce que tu penses, tout l’monde s’en tape. D’ailleurs penser n’est pas ce que l’on te demande. « Ne fais pas honte à ton père. » Elle t’attrape à la source même de ta faiblesse. Ne pas contrarier ton père, ne pas le décevoir. Tu refuses pourtant de sacrifier ton âme sur l’autel d’une nécessité fictive. Si chacun savait rester à sa place, la société sorcière n’en serait pas là. Tu serres les dents, inspire et te redresse. Ton regard s’ancre dans celui de ta mère avant que tu ne lui siffles, amèrement. « Je suis loyale à ma lignée. J’aiderais mais je ne me corromprai pas. Pas à l’instar de ma soeur. Je n’ai rien du jouet de vos aspirations. » On ne pouvait être plus claire, en effet.

« Megaera, tu dois.. » La phrase ne fut jamais terminée. Ton corps s’effondre lourdement sur le sol, arraché à ta conscience. La panique s’éprend de la tablée. Tu viens de foutre en l’air une réunion de famille. Ta peau pâle et tes yeux clos te donnent l’apparence de l’inexistence. Un instant, ils te croient morte. Un instant, ils voient ta courte vie défiler sous la surprise, le choc. Tu respires pourtant. Quelque chose ne tourne pas rond. Cet état durera trois jours. Les médicomages n’auront jamais d’explication rationnelle. Ca n’affecte en rien tes fonctions vitales et tu parais simplement dormir d’un sommeil de plomb. Pas de mouvements si ce n’est ta poitrine qui se soulève sous l’effet de ta respiration. Tu travailles sans doute trop. Ou tu es simplement fragile. Trop de pression, vint à affirmer un spécialiste. En fait, ils n’en savent rien. C’était comme si.. tout ton être se rejetait lui-même. Tu n’as pourtant pas un esprit faible. Tu as monté ton petit business de bijoux enchantés, de parures sublimes. Tu t’es faite un nom dans ce domaine. Orfèvrerie, objets décoratifs à l’ornement complexe font même parfois partie de tes commandes exceptionnelles. Et alors que la tension devient palpable au coeur de Londres, tu étouffes dans ta cage dorée. Rien n’est rationnel dans ce qui t’affecte et tes réactions sont imprévisibles. Si tu es naturellement acerbe, mutine parfois, provocatrice souvent et entêtée, toujours, tu as ces instants de douceur qui font s’effondrer le mur des certitudes d’autrui. Serais-tu vraiment capable de t’autodétruire ? Tu veux aller au-delà des limites que l’on t’impose mais l’ombre d’Ariadne rôde toujours sur ton univers imparfait. Ton sens de l’ambition est différent de celui des autres. Tu veux juste une place qu’on ne t’offrirait pas par défaut. Tu veux être choisie pour ce que tu es, pas pour ce que tu dois être. Et Merlin sait que tu n’es pas facile à vivre, méfiante et mordante. Le paradoxe veut qu’un combat ne te glace pas le sang, qu’un duel ne t’effraie pas mais qu’évoquer l’avenir te tétanise, te ferme telle une huître. Quand ta tension chute brusquement, que ton coeur s’éprend d’une panique trop longtemps repoussée, que tu abuses, pousse au-delà du raisonnable la barrière de tes limites, l’effet se fait sentir à retardement. Et tu joues la Belle au Bois Dormant.