ARCHIVES DE DEPARTEMENT HISTORIQUE

 
« Oh, regarde celle-là ! On dirait une licorne ! » Elle pointe le nuage au-dessus d’eux, les yeux brillants, le sourire jusqu’aux lèvres. Oberyn fronce des sourcils, ferme un œil en penchant sa tête alors que le rire de la blonde se fait entendre à sa droite. « On dirait un sombral. » Qu’il rétorque, sceptique, mais Margaery s’approche de lui, le bras toujours levé pour lui montrer la bonne direction. « Mais nooooon, » qu’elle répond en lui dessinant les contours de sa créature dans l’air. Oberyn ne l’observe qu’à moitié, ses yeux rivés sur le visage de sa petite poupée. Il sourit comme un niais de la voir tenter de lui expliquer quelque chose qu’il fait semblant de ne pas voir. Et pourtant, il a bien remarqué sa licorne gambader entre les nuages. Elle est aussi heureuse que lui, l’est à cet instant. Il pourrait rester une éternité allongé sur l’herbe au milieu de ce champ que rien ne changerait à son humeur. Il n’a besoin de rien d’autres que d’elle et de ses petits jeux d’enfant de cinq ans. Ses parents lui ont pourtant répété que ces choses-là n’étaient plus de son âge, mais avec Margaery, jouer à chat est bien plus distrayant que d’apprendre le nom des derniers ministres de la magie. Oberyn n’a que neuf ans et pourtant, il a l’impression d’en avoir bien plus. Les règles sont strictes chez les Raventhrone que le moindre faux pas peut coûter bien plus cher qu’on ne peut le penser. Heureusement, le garçon a vite appris de ses erreurs. Il sait que les sourires hypocrites et les bonnes manières peuvent sauver lors d’un dîner ennuyeux. Il sait qu’il vaut mieux éviter de fréquenter telle personne et préférer la compagnie à d’autres plus « recommandables ». Margaery fait partie des sorciers qu’il faut mépriser, mais ne pouvant s’en empêcher et ne souhaitant pas pour autant leur attirer des ennuis, il a décidé que l’ignorance était la meilleure option. Jouer à cache-cache, c’est aussi un moyen dissimulé de se persuader d’être encore libre de ses mouvements. Au fond de lui pourtant, Oberyn se sait déjà enchainé pour le reste de sa vie. Le dernier rayon de soleil se perd sous un nuage et c’est à ce moment-là qu’il réalise qu’il n’est plus l’heure d’être heureux. « Je dois rentrer... » même si j'aimerais rester. Elle se redresse, surprise par son ton soudainement plus grave, mais ne répond rien. Elle n’est pas ignorante des exigences de ses parents et sait qu’épiloguer ne ferait qu’empirer la situation déjà compliquée qu’Oberyn doit gérer. Il aimerait pourtant, que tout soit différent, qu'ils puissent être ensemble sans que personne ne puisse les juger. Dans un soupir, il se lève, lui tend sa main pour l’aider, qu’elle attrape aussitôt dans un sourire. Même alors que la situation ne s'y prête pas, elle est toujours aussi rayonnante. Rien ne peut entacher sa bonne humeur. A croire qu'elle vit dans une autre galaxie. Avant de la quitter, le garçon passe une main dans ses cheveux blonds pour les ébouriffer, lui arrachant une moue boudeuse dont il est déjà accroc. Il lui tire la langue, et pour toute réponse, elle s'approche pour l'embrasser tendrement sur la joue. « A demain ? » Margaery acquiesce et tous les deux finissent par s’éloigner, chacun de leurs côtés. Il ne faut que quelques minutes pour qu’Oberyn rejoigne sa demeure. Il croise Aerith en chemin, sa jumelle qu’il aime plus que tout au monde, mais ne fait rien pour attirer son attention, ni même pour la saluer. Depuis qu’il a la certitude d’être un druide, il préfère s’éloigner, se sachant trop instable. Il ne sait que trop bien des dégâts qu'il peut causer en un coup de baguette magique. Si Margaery n'a cessé de lui répéter qu'il était incapable de lui faire du mal et qu'elle ne s'éloignera pas de lui pour autant, les choses sont différentes pour Aerith. Elles ne sont pas aussi évidentes. La blesser serait la pire chose qu’il pourrait lui faire et ce n’est pas ce qu’il souhaite. Mais ça, Aerith n’en a pas encore conscience. Elle s’approche déjà de lui, un petit sourire sur ses lèvres. Elle ouvre la bouche, mais il l’interrompe aussitôt. S’éterniser ne serait pas une bonne idée. Et pourtant, Merlin sait comme ça lui coûte de se montrer aussi froid. « Tu as vu Narcisse ? » Qu’il lui demande, le prétexte de vouloir rejoindre leur nouveau « frère » lui paraissant assez crédible pour qu'elle n'insiste pas. Elle secoue de la tête, un peu déçue de voir qu'il ne s'intéresse pas plus à elle. Oberyn le sait, il le voit dans ses yeux mélancoliques, mais il n'a pas vraiment le choix et c'est le cœur lourd qu'il s'éloigne d'elle.


« C’est fini Oberyn… Je ne peux plus te supporter et je ne veux plus le faire. » Sa voix se brise, prise dans un sanglot qu’elle tente de retenir, sans y parvenir. Aujourd’hui, c’est bien la fin. La fin d’une histoire qui aura duré de longues années. Oberyn est toujours figé quand elle secoue de la tête, quelques larmes coulant sur ses joues rougies par le chagrin. Il ne bouge plus, il ne réagit même pas, déconnecté de la réalité. Ses mots ne cessent de se répéter comme un vieux disque rayé et pourtant, il tente de se persuader que tout ceci n’est qu’un mauvais rêve. Il cligne des yeux, se demande quand la mascarade va se terminer, mais ils sont toujours là, dans sa chambre, à l’ombre des regards et elle est toujours en pleurs. « Tu ne réalises même pas tout le mal que tu fais. » Qu’elle ajoute alors que déjà, il sent son esprit dérailler et ses poils se hérisser. Ses poings se ferment quand il repense à cet homme qu’il a failli tuer. Dans sa tête, y’a tout qui se bouscule. Des images qui n’ont jamais existé et qui glissent comme un serpent dans son esprit. Tout se mélange, et l’idée même qu’elle puisse le quitter pour cet homme devient plausible. Oberyn est fou, fou d’amour pour elle. Il est si fou qu’il ne réalise pas comme leur relation devient étouffante. Leurs sourires ne sont plus que mascarade et la lassitude se fait sentir entre les deux amants. Les reproches ont remplacé les mots doux. Il est conscient qu’il la rend malheureuse, qu’ils ne sont plus ce qu’ils étaient auparavant. Les choses ont changé depuis Poudlard. La réalité est difficile à accepter. Il n’est plus le même. Les ténèbres ont tout englouti. L'enfance est un bien lointain souvenir. Aujourd'hui, le fossé n'a jamais été aussi grand entre eux. Leurs opinions sont trop divergentes et malgré tout l'amour qu'ils se portent, ils n'avancent plus. Elle recule quand les vitres de l’appartement explosent derrière lui et la première chose qui le frappe, c'est la peur qui se lit sur son visage. Cette même peur qu’elle avait affichée quelques minutes auparavant quand il avait frappé cet homme qui échangeait quelques mots avec elle avant qu’il ne la rejoigne dans cette ruelle. Il ne lui voulait probablement rien de mal, et ne se serait surement pas imaginé que demander son chemin à une si jolie fille lui aurait causé de tels ennuis. Son sang n’avait fait qu’un tour et il s’était jeté sur lui comme se jetterait un lion sur sa proie. Il n'y avait aucune négociation possible. Il ne lui avait même pas laissé le temps de s'expliquer et dans son esprit, il s'était déjà imaginé qu'il lui aurait dans tous les cas menti sur ses véritables intentions. Elle avait réussi à l’arrêter avant qu’il ne lâche son dernier soupir. Elle lui avait supplié d'arrêter le massacre. Son poing était en sang à leur arrivée dans l’appartement de Margeary. Elle avait soupiré aux paroles de son petit-ami, avait tenté de le rassurer et y était parvenu trop tard. Malgré les excuses d’Oberyn, les mots qu’il lui avait prononcés avaient été trop loin. C'était la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Furieux contre lui-même, aucun mot ne parvient à franchir de ses lèvres et c'est à contrecœur qu'il décide de quitter les lieux avant que les choses ne deviennent irréversibles. Il transplane et se retrouve au milieu d’une rue alors que la nuit est déjà sombre. Il n’y a pas un seul rat qui s’y balade. Ce n'est qu'à cet instant que tous les sentiments qu'il refoule depuis trop longtemps reviennent le hanter. Le mangemort se laisse tomber sur le trottoir, glisse contre un mur, sa tête entre les mains, un hurlement s’échappant de ses lèvres. C'est le hurlement d'un homme désespéré, affligé par la perte d'un amour trop fort pour lui. Il perd le contrôle de son corps, de son esprit tout entier, ne se laisse plus que guider par son chagrin et frappe ses poings contre le sol sans ne pouvoir cesser son manège. Sa folie le rend insensible à la douleur des coups qu'il s'inflige. Et chaque choc semble se répercuter sur les murs de l’immeuble derrière lui. Sous lui, le trottoir se fissure et dans un dernier décharnement de violence, l’effondrement du bâtiment recouvre la ville d’un voile de poussières. Ce n’est qu’en entendant l’ampleur des dégâts qu’Oberyn semble doucement se calmer et reprendre ses esprits. Son cœur, lui, restera brisé.


Elle est morte. Comme ça. Sans qu’il n’y prenne garde. Elle est juste partie. Et puis c’est tout. Oberyn a encore du mal à le réaliser. La rupture l’a littéralement tuée. Et lui, est mort avec elle. Il a cessé de vivre. Il ne ressent plus rien. Pas même une once de pitié pour le sorcier qui lui fait face et qui le supplie de le laisser en vie. Sa bouche articule des mots mais ils n’ont aucun sens. Il ne l’écoute même pas, il l’observe de toute sa hauteur. Sa position lui donne un air plus imposant qu’à l’ordinaire. Et pour seule réponse, il se tourne vers Virani, qui ricane et se réjouit du spectacle que son meilleur ami lui offre. Ca le fait rire de la voir aussi enthousiaste et d’une certaine manière, elle parvient à le consoler de la perte qu’il a eu à endurer. Dans le jeu sadique qu’elle a créée rien que pour eux, il revoit une petite Maggy au sourire espiègle, qui aimait tant jouer avec son ancien lui. Un Oberyn qui n’existe plus. « Je ne te tuerai pas… à la seule condition que tu lèches ma chaussure. » Son amie s’offusque mais d’un regard, il lui intime de ne rien faire. Pour toute réponse, Virani roule des yeux mais accepte de jouer le jeu. Il a une meilleure idée. Elle peut lui faire confiance. Leur complicité est telle qu’ils n’ont plus besoin de mots pour se communiquer. Ils sont si semblables qu’ils n’ont besoin de rien pour se comprendre et dans leurs yeux, brille la même lueur diabolique. Elle est la jumelle qu’il a oubliée sur la route. Si Aerith est la lumière qu’il espère protéger de lui, Virani est celle qu’il garde auprès de lui comme un précieux cadeau de la vie. « Tu n’as pas l’air de tenir tant que ça à ta vie… Dommage… » Qu’il ajoute en haussant des épaules alors que l’homme n’a toujours rien répondu. Et puis, dans une soudaine lucidité, réalisant probablement que le duo était bien sérieux, il l’arrête et s’exécute dans une mine de dégout. Les yeux du mangemort s’écarquillent et après un regard vers son acolyte, un sourire triomphant se dessine sur ses lèvres. « Alors ça, ça vaut au moins deux points ! » Elle secoue de la tête, offusquée et le frappe à l’épaule. « Deux points, mais tu rigoles, t’as rien fait, tu lui sauves même la vie ! » Oberyn rit face à sa réaction enfantine et dans un geste de la main, demande à l’homme de se relever. Il remet correctement sa cravate, époussète sa veste, faisant disparaitre quelques poussières imaginaires et lui lance un sourire. Virani est tellement outrée que rien ne sort de sa bouche. « J’ai seulement dit que je n’allais pas le tuer, je n’ai pas dit que je n’allais pas le torturer. » Le né-moldu est horrifié par ses paroles, son visage se décompose, et Oberyn hausse des épaules. « Eh oui, ce ne serait pas drôle sinon. » Sa main fouille dans sa poche pour attraper sa baguette qu'il pointe ensuite sur le sorcier avec un regard démoniaque. Il la fait glisser sur son visage d'un geste tendre. Il est délicat, comme on caresserait une peau de bébé. A côté de lui, sa meilleure amie se languit du suspense qu'il leur offre. Comme s'il était le metteur en scène de son propre spectacle, il soigne tous ses mouvements. On lui a appris à être rigoureux, à faire les choses bien. Quand il sent qu'elle est sur le point de craquer, il lance son premier sort. Un doloris en pleine tête. Durant leurs escapades, il a réalisé qu'il en fallait peu pour faire hurler un sorcier lambda. Ils supplient facilement et pleurent à la moindre douleur. Ils n'ont tout simplement aucune dignité. Certains sont plus coriaces que d'autres mais celui-ci est définitivement le plus inintéressant qu'ils ont croisé... jusqu'à ce qu'il remarque la tâche sur son pantalon. « Il s'est pissé dessus. » Qu'il murmure à Virani d'une voix héroïque. La meilleure chose que ce sorcier ait pu faire depuis leur rencontre. Oberyn est totalement détestable mais sa meilleure amie se délecte de le voir si peu scrupuleux, ce qui ne le rend d'autant plus abominable. S'il peut faire plaisir à quelqu'un, c'est déjà ça. « Je crois bien que j'ai gagné. » Il rit de la mine boudeuse de la brune et relève sa baguette magique pour annuler son dernier sort. Ils ne font déjà plus attention à lui, perdus dans le comptage du total des points. Virani n'est pas d'accord avec lui alors comme à leurs habitudes, une dispute éclate. Ce n'est que lorsque l'homme tente de bouger pour faire Merlin sait quoi que leurs attentions reviennent vers lui. « J'ai gagné », il jette un regard insistant vers son amie, puis revient vers lui, « grâce à toi alors je vais être sympa... je vais t'achever. » Et dans un dernier coup de baguette, il achève les restes. Il la range ensuite dans sa poche, puis quitte les lieux en compagnie de sa meilleure amie, bras dessus, bras dessous comme s'il ne s'était rien passé.